5 juin 2024
Le diagnostic : comment l’affronter et imaginer l’après ?

Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée est un moment douloureux, éprouvant, tant pour les personnes malades que pour les aidants. Mais la vie ne s’arrête pas à ce rendez-vous médical. Comment s’y préparer et y faire face, et puis, comment se relever et imaginer l’après-diagnostic ? Éléments de réponse avec la psychologue Susanne Öhrn.

L’annonce du diagnostic d’une maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée est un épisode de la vie terrible pour la personne malade, ses proches et son entourage. Elle suscite de nombreuses questions, et notamment celle de la préparation à ce rendez-vous. Après l’annonce, de nombreuses autres interrogations émergent : comment faire face ? Comment accepter ? Et puis, comment imaginer la vie après voir reçu le diagnostic ?

Susanne Öhrn est psychologue clinicienne, neuropsychologue et formatrice. Elle travaille notamment auprès de plusieurs associations départementales du réseau de France Alzheimer et maladies apparentées. Tout en sachant que chaque situation est différente, notre interlocutrice tente d’apporter des éléments de réponse aux questions que les personnes malades et les aidants peuvent se poser.

Se faire accompagner lors du diagnostic

La psychologue explique tout d’abord que la personne malade ne doit idéalement pas se rendre seule au rendez-vous médical, celui lors duquel le diagnostic peut tomber. « Si la personne a déjà passé une batterie de tests, même si elle ne sait pas trop à quoi s’attendre, c’est qu’elle a senti que quelque chose n’allait pas. Et quoi qu’il en soit, il vaut mieux ne pas être seul pour faire face au choc éventuel de l’annonce. Parfois, des personnes malades ressortent d’ailleurs soulagées de ce rendez-vous parce qu’elles ont mis un mot sur leurs troubles. »

Quant à l’aidant, la psychologue souligne qu’il est essentiel pour lui d’aborder le rendez-vous médical avec une idée en tête : la vie ne s’arrête pas au diagnostic. « Il ne faut pas oublier que la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées se distinguent essentiellement par les très grandes capacités adaptatives des personnes. C’est pour cela que ça évolue lentement. Et il faut bien garder ça en tête lorsque l’on accompagne son proche qui risque de recevoir ce diagnostic, pour ne pas trop s’affoler et ne pas succomber à ce choc du diagnostic. Ce n’est pas facile, je le conçois, mais cela permet de ne pas envahir le proche avec ses propres angoisses. Et puis, garder cela en tête est également important pour soi-même et pour tout l’entourage. Cela permettra d’aller plus facilement de l’avant. »

Le rôle primordial du médecin lors de l’annonce

La manière dont la personne malade et l’aidant vont encaisser la nouvelle dépend aussi du médecin qui donne l’information. « Des travaux ont été réalisés sur la meilleure manière d’annoncer un diagnostic et notamment un diagnostic de la maladie d’Alzheimer ou d’un trouble apparenté.
Dans l’idéal, il faudrait que le médecin, le neuropsychologue, puisse l’annoncer en douceur, en insistant aussi sur tout ce qui va bien. Il peut mettre l’accent sur les très grandes capacités adaptatives des personnes touchées par une maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée. En insistant sur les capacités préservées, sur ce qui peut encore marcher, cela permet de préparer le terrain pour dévoiler des nouvelles un peu plus difficiles à entendre, et cela permet à la personne malade et à l’aidant de mieux imaginer l’après. »

Dans une situation idéale toujours, la personne malade et l’aidant doivent être reçus par un psychologue. « Il doit leur demander ce qu’a dit le médecin. Cela permet déjà de voir comment la personne malade et son proche ont pu comprendre ce qu’a dit le médecin. Ça peut leur permettre de les confronter à la situation. Le choc peut provoquer un phénomène de sidération. Ça peut être très surprenant. »

Susanne Öhrn relève que des médecins n’emploient pas toujours le tact nécessaire pour annoncer la nouvelle. « On entend encore trop souvent des aidants expliquer qu’ils ont été reçus par un professionnel de santé qui leur a annoncé le diagnostic en ajoutant : ” cette maladie ne se guérit pas, revenez dans six mois, bonne journée et au revoir. ” Ça arrive encore trop souvent aujourd’hui et c’est évidemment tragique pour les personnes qui reçoivent le diagnostic. »

Au moment de l’annonce, les professionnels médico-sociaux, qu’il s’agisse du médecin dévoilant le diagnostic, du psychologue ou de l’assistant social, doivent avancer les pistes qui s’offrent aux personnes malades et aux aidants, pour qu’ils puissent voir comment continuer à vivre et à profiter de la vie, malgré la maladie.

Le (long) chemin de l’acceptation

Susanne Öhrn insiste sur l’importance de la manière dont le diagnostic est dévoilé parce que cela peut permettre à la personne malade – mais aussi à l’aidant – de ne plus être dans le déni. « Quand on doit faire face à une annonce qui n’est pas souhaitée, il y a un certain nombre d’étapes par lesquelles on peut passer. Selon le modèle principal, il y en a cinq. Il y a le déni, puis la colère : on en veut à tout le monde. Ensuite, il y a le marchandage. Il s’agit d’une période où l’on se dit que l’on pourra s’en sortir en faisant ceci ou cela. C’est une période d’espoir. Puis, c’est la tristesse : on comprend que ce que l’on a mis en place ne marchera pas. Et enfin, c’est l’acceptation. Ce cheminement pour intégrer cette nouvelle information dans sa vie prend un temps plus ou moins long. Il y a même des allers-retours entre les étapes, et on dit souvent que la meilleure façon de sortir du déni, c’est d’être confronté à la réalité. Le médecin, avec des informations factuelles comme des IRM, peut faciliter cette confrontation. Mais parfois, même si les choses sont dites en douceur, calmement, par le docteur, il peut arriver qu’elles ne soient pas entendues, et encore moins intégrées. »

La psychologue glisse également que la personne malade doit parler de sa situation à ses proches dès qu’elle s’en sent capable. « Cela lui permet d’exprimer ses besoins et ses attentes envers son entourage, ce qui générera aussi de l’empathie de son entourage qui peut adapter son comportement. »

Dire les choses permet, en outre, à l’aidant de se sentir moins seul. « Comme la personne malade peut plus ou moins longtemps faire illusion, l’entourage peut être berné par ce vernis social. C’est difficile à entendre pour l’aidant qui vit la situation au quotidien et s’inquiète de l’avenir quand l’entourage dit que la personne malade va plutôt bien, finalement. »

Après l’annonce, ne pas rester seuls face à la maladie

Susanne Öhrn conseille tant aux personnes malades qu’aux aidants de ne pas rester seuls après l’annonce du diagnostic. Être accompagné est primordial, pour préserver le lien social, pour conserver les capacités le plus longtemps possible, pour bénéficier d’un peu de répit et ainsi éviter l’épuisement physique et psychologique. Pour vivre encore, tout simplement, de beaux moments.

La psychologue vante notamment les actions portées par les associations départementales France Alzheimer et maladies apparentées. Elles apportent du lien social mais aussi des solutions : les groupes de parole, les cafés mémoire, les actions de convivialité… Et puis, il y a bien sûr la formation des aidants : la boîte à outils qui permet aux proches de mieux comprendre la maladie, de mieux l’anticiper, de savoir comment continuer à communiquer avec la personne malade, malgré la progression de la maladie.

Susanne Öhrn conclut avec un message positif à l’adresse des personnes malades et des aidants : « Il faut bien garder en tête qu’il y a encore une vie après le diagnostic, et qu’il y a encore beaucoup de belles choses à faire et à vivre. »

> Retrouvez l’interview de Susanne Öhrn sur Radio Alzheimer <