16 octobre 2019
Jocelyne Guidez – sénatrice de l’Essonne

France Alzheimer a recueilli le témoignage de Jocelyne Guidez, suite à l’adoption de sa proposition de loi « visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants ». La sénatrice de l’Essonne nous confie le pourquoi de son engagement et sa détermination à faire du soutien aux proches aidants une réalité !

Jocelyne Guidez – « La France compte près de 11 millions de proches aidants, soit 11 millions de citoyens s’occupant d’un membre de leur famille en situation de maladie, de handicap ou de dépendance. Ce nombre, déjà conséquent et qui ne laisse pas indifférent, est appelé à s’accroître si l’on se fie aux perspectives d’évolution démographique et, par conséquent, à l’augmentation du nombre de personnes dépendantes (Alzheimer, etc.).

Or, durant de nombreuses années, les pouvoirs publics se sont désintéressés de ce phénomène en pensant que la prise en charge de ces personnes par leurs proches était pour le moins naturelle, voire « normale ». Toutefois, et j’ai pu le constater dans mon entourage familial, mais aussi à travers les nombreuses auditions que j’ai menées durant plusieurs mois, les proches aidants sont de plus en plus épuisés physiquement et moralement. Ce constat est d’autant plus vrai pour les aidants salariés. La conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle fait encore défaut, même si certaines entreprises ont développé des initiatives intéressantes en faveur de leurs employés. Sur ce sujet, nos voisins d’Europe du Nord sont en avance.

En outre, au-delà des initiatives menées par des associations – faisant un travail remarquable – et par des collectivités territoriales, il me paraissait urgent que le législateur se penche sur cette problématique sociale et sociétale. Si des avancées ont souvent été apportées par petites touches, j’ai considéré qu’il était nécessaire de mener un travail législatif à la fois plus large et plus complet.

Ma proposition de loi s’inscrivait donc dans cette perspective. Celle-ci a été définitivement adoptée en mai 2019, puis promulguée. Quatre points sont inscrits dans le marbre. Désormais, afin de favoriser une meilleure reconnaissance du proche aidant et de faciliter son identification, la loi :

  • oblige les branches à négocier sur la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle de l’aidant. Elle permet également de les rendre prioritaires au compte personnel de formation ;
  • étend le relayage aux agents publics civils (pour favoriser le déploiement de l’expérimentation et redonner du temps de répit aux aidants) ;
  • permet à la conférence des financeurs d’utiliser une partie des ressources qui lui sont allouées par la CNSA pour financer des actions en faveur des proches aidants ;
  • permet une identification de l’aidant et de l’aidé en inscrivant leur nom sur le dossier médical partagé.

Toutefois, l’ambition recherchée par ce texte a malheureusement laissé place à une réalité politique qui, pendant la navette parlementaire, a amoindri sa portée. Plusieurs dispositions importantes ont donc été écartées à l’Assemblée nationale, comme l’indemnisation du congé de proche aidant.
En effet, celui-ci n’est presque pas utilisé en France puisqu’il ne génère pas d’indemnisation pour les salariés contraints de s’arrêter de travailler. Il aurait ainsi profité à moins de 10 personnes en 2016 sur 267.000 proches aidants qui auraient pu en bénéficier (soit un taux de recours de : 0,004%). C’est pourquoi il me semblait important de créer un mécanisme d’indemnisation et d’étendre la durée de ce congé à trois ans pour l’ensemble de la carrière, au lieu d’un an. C’était le cœur de ma proposition de loi.

Néanmoins, je me réjouis que les débats parlementaires aient permis d’appeler l’attention du Gouvernement, qui s’est engagé à l’indemniser lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je serai donc particulièrement attentive à ce dossier et j’attends de connaître les détails de cette mesure.

En outre, lors du prochain projet de loi sur l’autonomie et la dépendance, j’aspire également à ce que l’Exécutif se mobilise pour le répit des proches aidants. Il existe aujourd’hui une expérimentation du relayage, mais il convient d’aller encore plus loin. Nos territoires, notamment ruraux, manquent de structures de répit et de prise en charge des patients. C’est une vraie problématique. Certaines familles sont parfois obligées d’emmener leur enfant dans d’autres départements, voire d’autres pays comme la Belgique, faute de place. Cette distance à parcourir génère d’énormes difficultés, de la fatigue et du stress. La seule solution : l’investissement public.

Enfin, il est une situation qu’il convient de ne pas prendre à la légère : celle des jeunes aidants. Nous ne pouvons pas, nous ne devons plus fermer les yeux sur cette réalité. De nombreux enfants aident quotidiennement un parent malade ou en situation de handicap. Cette assistance, parfois conséquente, crée beaucoup de difficultés en particulier sur le plan scolaire.

C’est pourquoi j’ai appelé l’attention des ministres sur ce sujet. Même si j’ai pleinement conscience qu’il s’agit d’un dossier complexe touchant à plusieurs domaines (Education nationale, social, protection de l’enfant, etc.), j’entends défendre cette cause au Parlement et être mobilisée pour apporter à ces derniers des solutions concrètes visant à faciliter leur quotidien. »